Un couscous pour Aristote et Socrate, Confucius et De Lula : Le professeur Aktouf en modérateur

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Un couscous pour Aristote et Socrate, Confucius et De Lula

Le professeur Aktouf en modérateur


 

J’ai hésité avant de reprendre ma plume fétiche. Celle avec laquelle je sévissais, il y a plus de 14 ans, entre autres dans El Watan et La Tribune. J’avoue ne l’avoir pas trouvée mais le clavier l’a vite remplacée. Quelques moments d’hésitation et les conseils de Mohamed Abderahmani directeur d’El Moudjahid et Ouartilani directeur de la rédaction d’El Khabar remontent à la surface : ‘’Pas plus de deux feuillets. Des phrases courtes et de la concision. Écrits pour les autres pas pour toi’’. L’exercice me semble insurmontable mais je fonce.

Par Ferid Chikhi


Vendredi 29 mai 2009. Centre Culturel Algérien de Montréal. Dix ans après sa fondation, par un groupe d’Algériens soucieux de marquer sa présence dans le paysage québécois, ce centre a réussi le tour de force de réunir des philosophes grecs, un penseur chinois, un syndicaliste brésilien et bien sur Marx autour d’un couscous. Le modérateur était pour la circonstance l’éminent professeur Omar Aktouf, toujours en verve et tenace quant à la pensée socioéconomique qu’il développe depuis plus de vingt ans.

En effet et de mémoire, lors d’une entrevue qu’il m’avait accordée en décembre 1996 (In. El Watan), le professeur Omar Aktouf me confiait que ‘’s’il existe une ‘’loi’’ réelle en économie c’est celle du choix social du mode de redistribution des richesses produites. Créer des richesses n’a jamais été synonyme de les accaparer (…) la solution ce n’est ni la planétisation du modèle US ni la ‘’compétitivité‘’ généralisée’’ c’est la ‘’croissance organique différenciée’’, c’est à dire des taux négatifs pour les nantis et ‘’viablement’’ positifs pour les autres. Quatorze ans plus tard, ce que j’osais ne pas qualifier d’Aktoufisme se vérifie.

Notre éminent professeur, cite Aristote qui, au 4ième siècle avant Jésus Christ, avait prédit la fin d’une humanité équilibrée si le pouvoir économique était laissé entre les mains d’incompétents qui cherchent à s’enrichir aux dépends de la majorité. Pour nous en convaincre Omar Aktouf, nous fais revisiter l’étymologie du concept économique qui vise à la production et au partage des biens et des services au sein de la communauté.

Traversant quelques décennies et continents il fait appel à Confucius pour expliquer les valeurs dont le but est le synchronisme et la concordance des relations humaines. En effet selon Confucius ’’le pouvoir et l’efficacité doivent être entre les mains des plus vertueux’’, ce qui fait dire à notre éminent professeur que ‘’les incompétents qui sévissent actuellement doivent être remplacés par des personnes intelligentes et sages qui sauront impulser les solutions pertinentes aux problèmes de la planète’’.

‘’Tout a été financiarisé. Malgré les dégâts observés et recensés les grandes écoles continuent de former des financiers qui alignent des ‘’0’’ à n’en plus finir et qui réappliquent les mêmes paradigmes destructeurs. L’environnement est le plus touché mais les individus le sont autant si ce n’est plus.’’

Les pays émergents, les BRIC sont cités en exemple pour la sortie de crise. ‘’En quelques années, De Lula, a sorti plus de trente millions de brésiliens de la pauvreté. Ce n’est pas un financier c’est un syndicaliste. La crise est Étatsunienne et c’est aux USA d’y apporter la solution. Pourquoi devrions-nous payer pour eux ? Pendant que De Lula faisait sortir son pays de la zone rouge, Bush enfonçait les États-Unis dans la crise immobilière la plus sale de tous les temps et à faire la guerre là où il ne le fallait pas’’.

‘’La lutte contre le blanchiment de l’argent et les paradis fiscaux existe dans les faits mais les trois grands groupes qui ont été définis ; ceux qui coopèrent, ceux qui réfléchissent et ceux qui ne veulent rien savoir ne résolvent pas le problème. Les deux plus grands paradis fiscaux sont les État Unis et le Royaume Uni.’’

Quelques mots sur l’Algérie ? Oui, Omar Aktouf ne peut s’empêcher d’en parler face à un auditoire à l’évidence acquis. Il récidive comme en décembre 1996, paraphrasant Galbraith, (In El Watan. Déc 1996) ‘’il faut à nos pays non seulement une incontournable présence régulatrice de l’État mais beaucoup moins de ‘’tartarins susciteurs’’ plus de factions que de l’État, beaucoup plus d’élites intègres, honnêtes et sages, c’est à dire capables de se placer au-delà de tout intérêt personnel, de possession matérielles indues et de tout orgueil omniscient’’.

Il souligne que lors de son dernier passage à Alger au FCE une question lui a été posée en ces termes: ‘’Quels seraient les trois décisions que vous prendriez si vous aviez le pouvoir’’ : sans hésiter notre Prof répond : ‘’avec 140 milliards de réserves de change j’investirai dans l’agriculture pour la suffisance alimentaire et la formation des paysans, puisque leur moyenne d’âge est de ‘’70’’ ans, dans l’éducation et les infrastructures.’’

La conférence qui devait durer 1h30mn se prolonge à la satisfaction de plusieurs personnes présentes, parmi lesquels des artistes, des scientifiques, des enseignants, des architectes, des gestionnaires, etc. Les locaux du CCA se sont avérés exiguës pour la circonstance. La discussion s’est prolongée autour d’un couscous et des douceurs bien de chez nous que tous ont savourées en pensant peut-être qu’Aristote, Confucius et Marx ne pouvaient connaître ces délices.

Une soirée mémorable à l’occasion de la célébration de la fondation du CCA. Ahmed Mahidjiba et son équipe, sont en passe de faire de cet organisme un véritable lieu d’échanges ou seule l’utilité de la communauté est privilégiée. 10 ans d’existence c’est bien, négocier le développement pourrait être inspirateur. Le potentiel existe il suffit de le mettre en valeur. Voilà ! L’exercice se termine ici.


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