Santé et Immigration : Vous n’avez pas le droit de tomber malade !

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SANTÉ ET  IMMIGRATION : VOUS N’AVEZ PAS LE DROIT DE TOMBER MALADE


L’exemple de ce père de famille qui apprend qu’il est atteint de cancer après un peu plus d’un mois au Québec et qui se retrouve avec une facture d’environ 60,000.00 $CAN à payer après un court séjour à l’hôpital, ou encore l’exemple de ce père obligé de faire admettre sa petite fille pour une opération nécessitant l’ablation de l’appendice, ne sont en réalité que deux cas de figure d’une situation alarmante et inacceptable.

Vous venez d’avoir votre visa pour vous installer au Québec à titre de résident permanent. Votre rêve se réalise enfin après une longue attente, mais surtout après plusieurs procédures de sélection y compris une visite médicale très poussée chez un médecin choisi par le gouvernement du Québec. Vous êtes en bonne santé, du moins c’est ce que vous pensez et votre seul souci pour le moment est l’organisation de votre voyage et les modalités d’installation dans votre pays d’accueil.

Vous arrivez donc avec votre famille au Québec. Tout est à refaire pour vous. Il faut trouver un logement, acheter vos meubles, inscrire les enfants à l’école, connaître votre quartier, commencer les démarches de recherche d’emploi, etc. Vous êtes comme un nouveau-né qui fait connaissance avec la vie, parfois c’est plus compliqué, vous êtes comme un accidenté qui doit refaire sa pénible et douloureuse rééducation. Pris dans cette étourdissante spirale des premiers pas de l’intégration, vous ne voyez pas le temps passer.

Une trentaine de jours après votre arrivée au Québec, peut-être moins, peut-être plus, vous ou un membre de votre famille avez rendez-vous avec la maladie sans aucun préavis. Il ne s’agit pas d’un rhume, ni d’une fièvre passagère, il s’agit d’une maladie grave ou d’une complication qui nécessite une intervention urgente et complexe.

Bien entendu, vous vivez maintenant dans un pays qui fait partie du G8 et dans ces contrées les médecins sont capables de faire des miracles dit-on. Le hic, le couac, et le choc, vous n’avez pas droit à ces miracles. Vous êtes livrés à vous-même sans aucune couverture médicale

En effet depuis 2001, le gouvernement du Québec à l’instar de plusieurs autres gouvernements provinciaux (Ontario, Nouveau-Brunswick, Colombie-Britannique) a instauré une période de trois mois avant de faire bénéficier les nouveaux arrivants du régime de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). Cette période de 3 mois, appelée par euphémisme délai de carence est un garde-fou pour décourager les candidats et  adeptes du tourisme médical nous dit-on.

La notion de « tourisme médical »  qui ne s’appuie, selon de nombreux observateurs, sur aucune statistique officielle,  renvoie à une série d’aberrations et d’abus  fortement médiatisés au demeurant, commis par des personnes en provenance des États-Unis notamment.

Fermer la porte aux profiteurs, oui bien sûr, personne n’oserait dire le contraire, ni s’inscrire en faux contre les mesures qui visent la sauvegarde d’un système de santé financé par le contribuable québécois, mais la loi, qui était censée mettre fin à des aberrations, est devenue elle-même une aberration.

D’abord, cette loi n’a pas réussi à endiguer le phénomène de la fraude. Chaque année, des étrangers se font soigner au Québec sans y avoir droit. (Lire à ce propos le rapport de la RAMQ sur l’affaire des techniciens de la Royale Air  Maroc : (consulter le Rapport 1)

À coup de révélations choc, les quotidiens montréalais nous apprenaient récemment le démantèlement par la GRC d’un réseau de fraude qui aurait permis à 3000 maghrébins d’obtenir illégalement une carte d’assurance-maladie. Ce genre de faits divers médiatisés sciemment à outrance, apporte de l’eau au moulin de ceux qui militent pour le maintien du délai de carence. Pourtant, même si nous lisons dans les mêmes journaux de nombreux articles sur la fraude qui se rapporte aux cartes de crédit ou les cartes de débit, personne n’a proposé jusqu’à maintenant l’interdiction de ses fameuses cartes pour, mettre fin aux nombreuses fraudes. Pourquoi sommes nous donc si prompt et si rapide à implémenter une loi excessivement sévère pour la carte assurance-maladie ?

Cette loi pénalise plutôt sévèrement des immigrants démunis qui ont choisi le Québec. Cette loi est dans son fondement même une absurdité. Elle dit clairement aux nouveaux arrivants : vous n’avez pas le droit de tomber malade, pendant vos trois premiers mois au Québec.

Rien qu’en se référant aux nombreuses personnes qui ont fait appel aux services du CCA pour faire face à ce genre d’imprévus, il appert que cette décision, pour le moins qu’on puisse dire discriminatoire, est en train d’avoir des répercussions très graves sur la santé des nouveaux arrivants. L’exemple de ce père de famille qui apprend qu’il est atteint de cancer après un peu plus d’un mois au Québec et qui se retrouve avec une facture d’environ 60,000.00 $CAN à payer après un court séjour à l’hôpital, ou encore l’exemple de ce père obligé de faire admettre sa petite fille pour une opération nécessitant l’ablation de l’appendice, ne sont en réalité que deux cas de figure d’une situation alarmante et inacceptable.

Elle est inacceptable puisqu’elle va à l’encontre de la volonté du gouvernement québécois de promouvoir les valeurs citoyennes auprès des immigrants. Cette loi semble leur dire : pendant les trois premiers mois, comptez sur votre ghetto pour survivre. Comptez sur vos associations, vos mosquées et vos églises, ne faites pas appel aux services de l’État québécois, car même si vous résidez au Québec, vous n’êtes pas encore au Québec.

Il est quand même curieux de s’élever contre les dérives du communautarisme au Québec, alors que les nouveaux arrivants apprennent à vivre ou à survivre au Québec à travers une initiation pilotée et conçue par des structures strictement communautaires.

Comment peut-on parler de Contrat moral entre le nouvel arrivant et le Québec, alors que la belle province se dérobe de ses responsabilités quand il s’agit de sauvegarder ce qui est le plus important dans la vie des hommes et des femmes : la Santé. ? Quelle est cette morale qui exige de l’immigrant de ne pas tomber malade pendant trois longs mois?

Certains pourraient rétorquer en arguant que les nouveaux arrivants n’ont qu’à souscrire à une assurance privée pendant ces trois mois. Certes, cette piste de solution parait logique et la mieux indiquée pour ce genre de situation, mais la réalité en est tout autre. Les nouveaux arrivants doivent maintenant prouver qu’ils sont capables de subvenir à leurs besoins pendant un certain temps en montrant qu’ils sont en possession de 9000 $ par personne. Il va sans dire que pour un candidat à l’immigration au Québec, ce sont les économies de toute une vie qui seront mises à contribution pour payer le voyage, les différents frais, mais surtout les milles et une dépense que l’immigrant doit faire pour s’installer au Québec ou ailleurs au Canada.

Que reste-t-il de toutes ces économies? Pas grand-chose à peine de quoi boucler le mois. Ajoutons à cela un élément déterminant, la non-familiarité de l’immigrant avec les us et coutumes de la société d’accueil. Contracter une assurance privée est donc le dernier souci de ce nouvel immigrant, pris comme on le disait plus haut dans une spirale étourdissante.

Les problèmes de la santé font partie des responsabilités de l’État québécois et il est temps d’abolir cette mesure discriminatoire et injuste. Devant la maladie nous sommes tous égaux, le gouvernement du Québec en instaurant ce délai de carence est en train de prétendre le contraire. Le gouvernement ne changera pas d’avis si le mouvement associatif continuera à apaiser les souffrances des uns et autres en silence. Le gouvernement changera d’avis lorsque le mouvement associatif fera de ces souffrances un outil de sensibilisation et de conscientisation de toute la société d’accueil pour mettre fin à cette injustice.

La rédaction 


(1) Les médias sensationnalistes ont tenté d’impliquer la communauté marocaine dans cette affaire, alors qu’il ne s’agissait que de cas isolés relevant carrément du chapitre du fait divers

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