Medelci, le Bokassa algérien

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Medelci, le Bokassa algérien

Jean-Bédel Bokassa, ancien chef d’état et empereur autoproclamé de la République centre africaine était tellement vendu à l’idée d’appartenir culturellement et idéologiquement à la France au point de croire à l’existence d’un lien de parenté entre lui et l’ancien président français Valéry Giscard d’Estaing, qu’il appelait affectueusement cousin. C’était bien évidemment avant que la France ne se débarrasse de manière peu cavalière de ce dirigeant saugrenu devenu rapidement encombrant et peu fréquentable.

En Algérie, autrefois pays de la ferveur nationaliste et de l’anticolonialisme, alors que le pays se préparait à souligner cette année le cinquantenaire de l’indépendance nationale, le ministre des Affaires étrangères Mourad Medelci a choisi, quant à lui, 2012 pour remettre au goût du jour l’œuvre et l’héritage de Bokassa en faisant son « coming out » et en partageant avec le large public sa passion dévorante pour la France, cette mère prévenante avec qui il a toujours eu une relation symbiotique.

Devant un parterre de parlementaires français venus l’écouter, à sa demande, expliquer le pourquoi et le comment des « réformes » initiées par le gouvernement algérien, le chef de la diplomatie algérienne est allé d’une déclaration qui frise la glorification de l’Algérie française en arguant qu’ « Il n’y a pas plus Européen que l’Algérie, car si l’Histoire avait été différente, nous serions déjà membres à part entière de l’Union européenne puisqu’au moment du traité de Rome, nous étions encore Français ».

Questionné par la chaine Russia Today en arabe sur le sens d’une telle déclaration et sur les vives réactions qu’elle a suscitées en Algérie, le Bokassa algérien va encore plus loin en prétendant que ces réactions là prouvent que la liberté d’expression existe en Algérie, banalisant ainsi cette nostalgie à peine voilée de la période coloniale en la présentant comme une simple idée parmi tant d’autres.

Autre fait , alors que la lame de fond de ce que les médias ont appelé le printemps arabe balayait tout sur son passage et que le régime algérien commençait à sentir la brise de ce vent de changement, Mourad Medelci est interpellé par des journalistes algériens et étrangers sur l’éventualité voire la probabilité qu’Alger succombe à son tour à cette irrésistible révolte des masses arabes. Ce dernier sans ambages répondit que les algériens ont déjà eu leur printemps en 1962 et en 1988 et que les Algériens n’ont à imiter personne, ils ne doivent suivre que leur propre exemple, leur propre chemin. Retenez bien ce mot imiter on le retrouvera plus tard associé à l’ancienne puissance coloniale.

En effet, lors des dernières élections présidentielles, le même Mourad Medelci est appelé à se prononcer sur ces élections et là encore notre ministre des Affaires étrangères ne rate pas l’occasion pour arrimer l’Algérie à la France, il déclare: « Nous espérons que les Algériens vont imiter les français en allant voter massivement, lors des législatives du 10 mai 2012 ». Imiter les français serait donc une autre manière de respecter l’authenticité algérienne, puisque nous sommes tous les enfants de la République française.

Au mois de juillet 2012, au sommet du groupe des «Amis de la Syrie» tenu à Paris, Medelci est le seul ministre arabe à s’exprimer en français. Ce choix de s’exprimer dans la langue du colon émane d’une conviction idéologique et politique, il n’est nullement dicté par la non maitrise de la langue arabe, Medelci s’exprime aisément dans un arabe très potable. Non, choisir de s’exprimer en français, aussi bien à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur, c’est réaffirmer son allégeance à la France et rassurer les décideurs-protecteurs de l’hexagone que la main mise de la France sur l’Algérie est toujours de rigueur.

Certes, Medelci accumule les gaffes mais il est utile de souligner qu’il n’est pas le seul à se comporter ainsi dans ce club des amis de la langue française on retrouve le chef de l’État, le Premier ministre, le chef de la police nationale et tout le « who’s who » du sérail.

Cette allégeance à la France pousse même nos dirigeants à nous présenter l’éventuelle installation d’une usine Renault en Algérie comme un exploit, or et nul besoin d’être un fin expert de l’entrepreneurship pour le savoir, cette usine ne servira en fait qu’à accentuer la dépendance de l’Algérie au produit français. Il ne serait pas aberrant d’affirmer que l’Algérie avec toute son aisance financière actuelle pourrait facilement accéder à un partenariat fructueux avec les constructeurs japonais, allemand, sud coréen ou même chinois.

Cette volonté claire de réintroduire le français en Algérie par la grande porte et par ce fait même la normalisation et l’initialisation de l’influence de la France sur son ancienne colonie est une dérive inacceptable que l’on essaye de faire ingurgiter par dose homéopathique à un peuple préoccupé davantage par la cherté de la vie et l’explosion exponentielle de la criminalité dans nos cités.

Il ne s’agit pas de l’usage d’une langue étrangère pour s’ouvrir sur le monde car dans ce cas de figure l’anglais serait la langue la mieux indiquée, non l’usage du français chez nous par notre classe politique relève de la soumission politique.

Piétiner de manière récurrente et dans une impunité totale la constitution d’un pays pour lequel des millions d’Algériens sont morts afin de restaurer sa dignité et son indépendance, ne peut s’expliquer que par cette soumission ou alors carrément par la trahison d’une élite gouvernante qui a décidé de couper tous ses liens avec un peuple qui nous rappelle violement par sa nature et sa culture à l’européen Medelci qu’on est ni Européens ni français.

Entendons-nous bien, cet article n’est pas un réquisitoire contre la langue française qui, pour des raisons historiques évidentes, est bien présente dans la région du Maghreb et en Afrique, il est surtout rédigé pour souligner le non-respect de la Constitution du pays par le premier magistrat du pays et de ses ministres les plus proches, notamment le ministre qui est censé représenter l’Algérie indépendante à l’étranger.

Imaginez un peu, ici au Québec, le premier ministre Jean Charest s’adressant à des québécois de la Gaspésie en anglais, ou alors prononcer un discours en anglais dans une conférence internationale à Paris, nous vous laissons le plaisir et le loisir de prévoir le genre de réactions qu’une telle aberration pourrait susciter.

L’histoire nous a montré à maintes reprises que toutes les orientations politiques et les décisions gouvernementales prises à l’encontre de la volonté du peuple et de son identité finissent immanquablement à la poubelle à la moindre révolte ou au moindre changement de l’équipe gouvernante. Nous savons également que 132 ans de présence française en Algérie n’ont pas fait de nous des français, mais nous savons surtout qu’avec ce bradage de la dignité algérienne par les Medelci de ce monde dans le seul but de prolonger la vie d’un régime ne réussira qu’à couvrir ses auteurs de honte et de ridicule.

La rédaction

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