La peur du silence

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La peur du silence

 

« Celui qui croit en Dieu et au Jour dernier, qu’il dise donc du bien, ou alors qu’il se taise », disait notre Prophète – Paix et Bénédiction de Dieu sur lui.

Se taire. C’est tellement difficile. À croire que nous avons peur du silence. Oui, assurément, nous avons peur du silence. Mais pourquoi donc ?

Je crois que le silence nous est pénible parce qu’il libère un autre type de parole, une parole singulière, celle que nous souhaitons le moins écouter. Dès que nous nous taisons, en effet, la voix, notre voix intérieure, nous parle… et c’est cela que nous supportons le moins : s’entretenir avec soi, c’est-à-dire avec tous ceux et celles qui nous habitent.

Ces voix, elles nous habitent parce qu’elles sont importantes pour nous. Ce sont celles de toutes ces personnes, vivantes ou décédées, qui, pour une raison ou une autre, à un moment de notre vie ou un autre, ont compté pour nous et nous ont par conséquent faits. Ou, plus justement, nous nous façonnons continuellement en leur parlant, intérieurement, silencieusement, sincèrement. C’est cela aussi ce que d’aucuns appellent de nos jours l’identité. C’est toutes ces voix qui nous habitent et avec lesquelles nous dialoguons à chaque fois que nous nous taisons*.

Cette parole silencieuse, intime, sincère, nous dérange justement parce qu’elle ne sait nous mentir. Elle se parle en nous parlant, aussi ne parle-t-elle que de ce qu’elle connaît le mieux, c’est-à-dire nous-mêmes. Or, s’il y a un sujet que nous redoutons le plus, c’est bien évidemment celui-ci : nous-mêmes.  Mais pourquoi donc ?

Je ne sais si c’est un philosophe ou un théologien, mais un être certainement aussi lucide que triste, qui disait : « The ennemy is within and he is us ». L’acte premier de cet ennemi, comme tout ennemi, est de faire diversion, de se faire oublier, pour faire mal là où l’on s’y attend le moins.

Être serein, en soi et avec son entourage, c’est accepter cette vérité. Elle représente, le lecteur l’aura certainement déjà compris, le premier pas de ce que les musulmans appellent le grand jihad… Jihad al-nafs.

Et c’est donc là également le jihad de l’identité musulmane. Une identité qui se construit et s’assume, souvent silencieusement, parfois douloureusement, dans un rapport dialogique avec autrui, particulièrement l’autrui-qui-compte.

Mais surtout, sincèrement, devant et pour Lui…

Par Abdelaziz Djaout

(*) L’idée de la nature dialogique de l’identité vient du philosophe Québécois Charles Taylor. Voir son livre Grandeur et misère de la modernité, Bellarmin, 1992.


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