En attendant le Messie !?

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 En attendant le Messie !?

Par Hocine Ouardani


Je vais commencer mon article par rappeler un postulat très simple: Les petites réussites conduisent aux grands succès, ce qui progressivement, conduit à un ancrage dans le cercle vertueux de la réussite. Pour sortir du cercle vicieux de l’échec, une petite réussite est généralement suffisante. Ce postulat repose sur le fait avéré, qu’être un « perdant » ou un « gagnant » est une question d’attitude mentale. Un esprit qui fonctionne en mode « gagnant » est un esprit ouvert sur le monde du possible et conscient du monde réel, il fait fonctionner sa machine à pleine vapeur pour que le possible devienne réel.

À l’opposé, un esprit (ou ce qu’il en reste) qui fonctionne en mode « perdant » est un esprit lâche et feignant. Lâche, car la moindre évocation du possible, meilleur que le réel, lui donne une peur bleue. Cette peur chronique vient de son incapacité à fournir l’effort – feignant – nécessaire pour changer sa situation. Il voit alors le possible comme un affront qui lui brandit sa responsabilité au visage et lui rappelle qu’il est le seul artisan de sa décadence.  Dans ces moments de vérité, l’esprit « perdant » s’agite dans tous les sens, prend des résolutions sans lendemain, et quand il est fatigué, c’est-à-dire, très vite, sa seule ressource qui est la malice, lui permet quand même de se réunir avec ses semblables pour promouvoir les idées d’une secte dangereuse, dont le fondement repose sur la suivante :   «Il n’y a de possible que l’échec, et nous en sommes  la preuve vivante, Amen ».

Partant de là, j’ai personnellement le sentiment – que je partage avec moi-même – que nous, en tant que communauté, nous vivons le syndrome du cercle vicieux de l’échec. Je vais essayer de donner quelques arguments pour conforter mon sentiment. Je vais aussi essayer, en attendant le Messie, de donner quelques pistes de solutions pour nous en sortir.

De prime abord, je vous préviens, je n’ai aucun comprimé, du genre « Malox fast relief for loosers » et je n’ai aucun manuel du genre « Winning for dummies ». La seule formule que j’ai, est celle que ma défunte mère me répétait souvent durant mes moments difficiles : « Chka khir mel mahna » ou « s’épuiser à la tâche est mieux que d’être à plaindre ».

Nous sommes une génération – Ceux qui avaient la vingtaine au moment de l’indépendance et tous ceux qui sont nés après- qui a baigné dans le cocon du « Système ». C’est là, la première prémisse à notre état actuel. L’état-providence nous a désappris le sens de la responsabilité. Il nous a gâtés, il nous a pourris. Tout nous était dû à la naissance, de plein droit et sans le moindre effort. Mêmes nos vaches se nourrissaient de farine blanche tamisée. Après tout « who  cares », le pain rassit que nous leur jetions à la tonne était subventionné à 500% par l’état, le gaz pour faire cuire ce pain sortait à flot du sol de notre chère patrie, où est le mal à ce que nos animaux – rares à l’époque – partagent notre bien-être. Imaginez, toute une nation sur le BS (bien-être social). C’est vrai, c’est ce que nous étions à cette époque.

Je me rappelle, quand j’étais jeune écolier, il m’arrivait souvent d’oublier mes fournitures scolaires à la maison. J’allais alors voir « Ammi el moudir » pour me plaindre de la situation. « Ammi el moudir » avait une phrase magique, qu’il répétait toujours dans la circonstance, « Est-ce qu’un guerrier oubli ses armes quand il part pour la bataille », moi, étant un petit malin, je savais qu’il fallait répondre par un « Non » en plus d’avoir l’air désolé. Et « Ammi el moudir » finissait par me donner des fournitures flambantes neuves. Avec le temps, j’ai fini par oublier volontairement les fournitures que je n’aimais plus et je revenais en classe, toujours, avec le trophée de ma malice, des fournitures neuves.

Ceci était mon premier raccourci dans la vie, j’en ai appris des milliers d’autres par la suite. Et à chaque fois que je remportais un trophée, soit un carton d’œufs, soit un carton de bananes, soit un carton de poissons – dont le fabriquant y a mis un peu trop de sel à mon goût-, je rigolais un bon coup, en me rappelant la phrase magique de « Ammi el Moudir », à quelle point elle n’avait aucun sens.Je veux juste préciser que je ne parle pas de l’état-providence pour faire son procès, ni pour chercher le responsable, nous sommes tous responsables. Cela fait partie du passé, je veux le prendre en considération pour fabriquer mon future et contribuer à fabriquer le nôtre.

La projection de ce constat sur notre vie au Québec est la suivante : Nous continuons à reproduire les mêmes « Patterns » d’enfants gâtés du système. Nous avons beaucoup de mal à reconnaître nos responsabilités et à les assumer. C’est toujours la faute à l’autre. Si on ne trouve pas d’emploi, c’est parce qu’ils sont racistes et seulement à cause de cela. S’ils parlent de nous un peu trop dans les journaux, c’est parce qu’ils détestent l’Islam et les musulmans. Et on finit par remettre en question notre présence dans cette province hostile et médiocre qui n’a même pas un bon système de santé (laissez-moi rire). On croirait que le mur des Lamentations a été déplacé de Jérusalem vers Saint-Michel. Doit-on changer de province, l’herbe est toujours plus grasse, là où on n’est pas. Pour ma part, ce n’est pas la piste que je privilégie en premier.

Et quand on finit de régler les comptes aux « autres » autres, on revient à la charge pour régler leurs comptes à « nos  propres» autres. On dresse alors un bilan noir du mouvement associatif, de sa désorganisation, de son appartenance politico-idéologique, de sa structure régionaliste et j’en passe des délires plus lamentables les uns que les autres. Rien de nouveau sous le soleil, l’enfant gâté est toujours ultra-exigeant et critique avec autrui, il est toujours extra-laxiste et complaisant avec lui-même.

Ceux qui ont fait l’expérience du bénévolat dans nos associations communautaires peuvent confirmer cette hypothèse. Notre clientèle est très regardante sur la qualité du service qu’elle reçoit, au même moment, on enregistre un très faible taux de sa participation comme bénévole dans les associations. Dans le monde idéal de notre « enfant gâté », on devrait recruter des bénévoles Italiens, Grecs, Libanais et Haïtiens pour servir la clientèle Algérienne. Et comme les illuminés sont toujours là, leur verdict tombe : « L’échec de la communauté est dû à sa désorganisation et en particulier à l’inaction des associations ». Les associations deviennent alors le souffre-douleur des individus, une sorte de prolongement de l’état-providence.

Ainsi, la boucle est bouclée, les responsabilités sont distribuées, et surtout, loin de moi. Je pourrais alors prendre mon sandwich « Frites-omelette-maillo » bien consistant, déguster mon thé à la menthe bien fumant et dormir sur mes deux oreilles.

En vérité, je crois que nous tous, détenons la clé au problème, cette clé n’est pas nouvelle, elle nous a été léguée par nos anciens. À l’époque où notre voisin était un membre de notre famille et que nous étions tous responsables les uns des autres. Et surtout responsables de notre destin individuel et collectif.

Je crois aussi que nous avons une grande chance de vivre dans une société qui donne une chance à tous, autant aux individus qu’aux groupes. Cette société dans laquelle beaucoup de personnes issues de communautés ethniques dites « minorités visibles » ont remporté de grands succès sur les échelles sociale et politique. Ces personnes, bien que d’origines différentes, ont un point en commun, leur persévérance et leur dévouement à leurs objectifs.

Nous devons réapprendre à assumer notre part de responsabilité dans ce qui nous arrive, être fières de ce qui est bien et changer ce qui est mal. Nous sommes tous responsables de sortir les défaitistes des sectes du malheur. Nous devons, donner de notre temps et de nos moyens matériels à notre communauté. C’est le plus grand cadeau que nous pourrons offrir à nos enfants. Nos enfants ne sont pas et ne seront pas les « beurres du Québec ».

Donnons-nous comme objectif, de contribuer à nos associations actives et de réactiver toutes celles qui n’existent que sur papier –du fait de l’absence de bénévoles-, brisons le cercle vicieux de l’échec et fêtons le moindre de nos succès. Laissons celui qui travaille travailler, même s’il se trompe. Ne lui sapons pas le moral avec nos critiques acides. Laissons aussi la télécommande de notre TV une heure de temps par jour et mettons notre main à la pâte. Nous avons tous quelque chose à offrir. Et quelle que soit notre situation, il y’a toujours un compatriote dans une situation moindre que la nôtre et à qui on peut donner un coup de pouce.

L’histoire se rappelle des génies et il n’y en a pas beaucoup. Et si à votre âge et au mien on n’est pas un génie, la mauvaise nouvelle est celle-ci : « Just too late ».

L’histoire se rappelle aussi des groupes d’hommes et de femmes qui ont changé son court, comme le groupe d’hommes et de femmes, à qui, toi et moi, nous devons notre liberté. De ce genre de groupes, nous pourrons être, il est encore temps, nous devons seulement nous presser, la pente descend très vite à notre âge.

Il y’a cependant l’option d’attendre le Messie en se racontant des histoires.


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