Le CCA, 10 ans d’engagement


Le CCA, 10 ans d’engagement

Karim Settouane (*)


Nous sommes en hiver 1999 à Montréal, une période de boom économique pour le Canada et la fin d’une décennie où le flux migratoire venu d’Algérie est à son summum. Une époque où les algériens, marqués par ce qu’ils ont vécu au pays se méfiaient de tout et de tout le monde et avaient tendance à fuir ‘Ouled El Bled’ comme la peste ou tout au moins prenaient bien soin de les éviter. Les plus chanceux étaient ces nouveaux arrivants qui avaient leur propre réseau de connaissances et qui leur faisaient appel pour des conseils, des tuyaux, une job ou un 2 et demi.

À une époque où l’individu à lui seul n’a aucun poids significatif pour aspirer à changer les choses pour une meilleure intégration, le tissu associatif communautaire n’était qu’à ses premiers balbutiements. Les quelques associations qui tentaient de s’ancrer dans la communauté avaient du mal à garder la porte ouverte, du moins celles qui en avaient. La crise de confiance, les conflits politiques, les préjugés de tous genres sont autant de facteurs qui ont souvent mené ces organismes à mettre la clé sous le paillasson.

C’est dans ce contexte d’incertitude et de méfiance que le Centre Culturel Algérien (CCA) a vu le jour en ce 16 avril 1999 et incorporé auprès des autorités du Québec le 3 juin 1999.

S’adressant à l’un de nos membres fondateurs, le président de l’une de ces associations défaites lui faisait remarquer «Ce n’est pas une partie de plaisir! Vous allez buter sur la première marche et vous casser les orteils».

Une poignée de jeunes immigrants nullement découragés par ce genre de propos, étudiants pour la plupart, ont ainsi relevé le défi de créer une association indépendante, apolitique et dévouée au service de la communauté, de lui assurer efficacité, stabilité et surtout pérennité.

Le dévouement de ces premiers «pionniers du CCA» était extraordinaire. Ils y mettaient du temps, de l’effort et puisaient dans leurs propres portefeuilles qui n’étaient pas vraiment garnis.

C’est à Saint-Michel dans un petit bureau de la rue Jean Talon, au coin de la 17ème rue que le CCA a établi son QG.

Un ordinateur par ci, une table et une chaise par là sont les premiers dons qui ont permis le démarrage des activités du centre notamment les cours et les consultations destinés aux nouveaux arrivants.

Les bénévoles constitués en comités autonomes mettaient du cœur à offrir à leurs compatriotes des services divers et ciblés de qualité qu’eux même n’ont pas eu la chance d’avoir.

Après une dizaine d’années, les réalisations aussi diverses que les formations, les conférences, l’aide à la recherche d’emploi, l’aide juridique, les excursions, les cliniques d’impôt, la radio Salamontréal, les actions humanitaires, pour ne citer que celles-ci, sont là pour témoigner de la grandeur et de la générosité de cette œuvre bénévole.

Le plus grand défi du CCA aux yeux de tous est d’avoir gardé ses portes ouvertes chaque jour de chaque semaine de chaque mois de chaque année pendant dix ans sans aucune aide budgétaire gouvernementale et uniquement sur la base du bénévolat.

L’expérience CCA aura surtout permis de dissiper les préjugés sur l’absence de solidarité et l’individualisme de nos compatriotes et a permis de rétablir la confiance au sein de la communauté algérienne en particulier et maghrébine en général. Les différentes campagnes de solidarité menées par le CCA au profit de cas humanitaires ou de victimes de catastrophes naturelles ont permis de mobiliser la communauté d’une façon extraordinaire et l’importance des dons collectés reflètent pleinement cette confiance retrouvée.

Depuis que le centre existe, plusieurs associations, dont certaines avec l’aide du CCA, ont vu le jour et contribuent positivement à enrichir la diversité du paysage associatif. Ce qui a fait dire à plusieurs de nos compatriotes installés ici depuis une vingtaine d’années «le CCA est la locomotive du mouvement associatif de la communauté» Tant mieux si le CCA est une locomotive et tant mieux si d’autres associations voient le jour dans son sillage. Ce ne sera que bénéfique pour une communauté qui cherche encore ses repères au Québec et au Canada.


(*) Karim Settouane est membre et bénévole du CCA. Il occupe le poste de Secrétaire Général du CCA


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