Interview avec la Ministre du MICC, Mme. Lise Thériault

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Ministre_lise.jpgJe crois qu’on a décrédibilisé le débat et dénaturé la notion d’accommodement raisonnable. Il est vrai que certaines demandes sont dérangeantes, tout ce que je peux vous dire c’est que désormais toutes les demandes qui remettraient en question, notamment, l’Égalité entre les femmes et les hommes, seront automatiquement considérées comme déraisonnables.

Salamontreal : Mme la ministre, quelles sont les conclusions que vous tirez suite aux résultats des derniers sondages commandités par certains organes de presse sur la tolérance des Québécois?

Mme. Lise Thériault : Les grandes conclusions qu’il faut tirer c’est que, les québécois dans leur ensemble ont réitéré leur attachement aux valeurs du Québec. Est-ce que le sondage démontre que les Québécois sont racistes ? Je ne le crois pas, sincèrement je ne le crois pas, je pense qu’on aurait pu poser la question autrement, le terme « racisme » est trop fort. Cela démontre surtout qu’on doit travailler plus pour montrer les bons côtés de l’immigration et à faire connaître les différentes communautés qui ont choisi le Québec. Il faut travailler à établir des ponts pour créer des interactions entre les différentes communautés et la société québécoise.

Salamontreal : Est-ce la fin des accommodements raisonnables?

Mme. Lise Thériault : Il est important de recentrer l’expression « accommodements raisonnables », les accommodements raisonnables sont un outil juridique qui a permis au Québec de faire beaucoup de progrès, particulièrement au chapitre de la promotion des droits des femmes et leur accès à certains emplois. Cette disposition a aidé aussi les handicapés à avoir accès à une multitude de services auxquels, sans cette disposition juridique, nous ne serions pas la société que nous sommes aujourd’hui.

Je pense qu’on a dénaturé la notion d’accommodements raisonnables quand on parle des vitres teintées au YMCA, ce n’est pas un accommodement raisonnable, c’est une entente entre un conseil d’administration et une communauté. Pourquoi avoir givré les vitres du gymnase et non pas celles de l’école ? La question reste posée, mais ce n’est pas à moi d’y répondre, mais à mon sens, ce n’est pas un accommodement raisonnable.

Par contre, il existe des demandes qui émanent de certaines communautés et on y a répondu favorablement pour maintenir l’harmonie sociale. Je ne pense pas que c’est la fin des accommodements raisonnables, mais nous allons êtres plus vigilants dans l’avenir, pour déterminer si un accommodement pour un groupe n’est pas au détriment d’un autre. Je crois qu’on a décrédibilisé le débat et dénaturé la notion d’accommodement raisonnable. Il est vrai que certaines demandes sont dérangeantes, tout ce que je peux vous dire c’est que désormais toutes les demandes qui remettraient en question, notamment, l’Égalité entre les femmes et les hommes, seront automatiquement considérées comme déraisonnables. On ne peut pas sacrifier ce pour quoi le Québec s’est battu pendant plusieurs années pour revenir en arrière. Il n’y a aucun compromis à faire à ce niveau là.

Salamontreal : Est-ce que cela signifie que l’état québécois pourrait intervenir pour encadrer les pratiques religieuses?

Mme. Lise Thériault : Je crois que ce n’est pas le rôle de l’État de s’immiscer dans la gestion de la religion. Au Québec on s’est battu pendant longtemps pour séparer le religieux du politique. Je crois que la préoccupation majeure est l’intégration. L’immigrant qui fait le choix de venir vivre au Québec, je crois sincèrement qu’il choisit le Québec pour ces valeurs. Le choix est simple : s’intégrer ou rester de côté. Je crois que comme société on doit aussi évoluer, mais l’immigrant a aussi une responsabilité dans le processus d’intégration sans pour autant renier ses valeurs. Dans toutes les religions il existe différentes interprétations mais chaque religion a des principes et des valeurs qui nous rassemblent tous. Les valeurs de justice, d’égalité, de partage, de paix. Il faut trouver ce qui nous unis et éviter ce qui nous divise.

Salamontreal : Les communautés arabes à Montréal enregistrent un taux de chômage très élevé par rapport à la moyenne nationale. À votre avis quelles en sont les causes et quelles sont les mesures envisagées pour résoudre ce phénomène?

Mme. Lise Thériault : Je pense qu’il y a un facteur à ne pas négliger pour expliquer le chômage et qui est la reconnaissance des diplômes obtenus à l’étranger. Des gens qualifiés qui ne peuvent pas trouver un emploi dans le domaine de leur expertise parce que leur expérience n’est pas estimée à sa juste valeur. Les Ordres professionnels sont encadrés par des lois afin de protéger le public mais ils ne peuvent continuer à ignorer les gens détenteurs de diplômes obtenus à l’étranger. Je vous dirais aussi que les événements du 11 septembre 2001 ont eut un impact négatif sur la communauté arabe. Les exemples de Bell hélicoptère et la Banque royale sont des exemples de discrimination qui me préoccupent. Je crois qu’il vaut mieux faire connaître la communauté arabe et ses différentes composantes, mais surtout faire connaître les motivations qui ont poussé ses gens à quitter leurs pays d’origine. C’est un travail qui devrait être fait par des leaders de la communauté, pas nécessairement religieux afin d’expliquer au reste de la société pourquoi ils ont choisi le Québec, mais surtout pour démontrer qu’ils sont aussi des Québécois comme tous les autres. Il faut qu’on arrête de faire la distinction entre le eux et le nous. Quand est ce qu’on cesse d’être immigrant? Quand est ce qu’on devient un citoyen québécois?

Salamontreal : Le Québec a décidé de réduire le nombre des nouveaux immigrants en provenance des pays du Maghreb. Plusieurs observateurs ont conclu que ce choix est dicté par une réalité incontournable : Les Maghrébins compte tenu de leur spécificité culturelle s’intègrent-ils difficilement au Québec?

Mme. Lise Thériault : On planifie les niveaux d’immigration depuis le début des années 90. Le Québec a toujours accueilli des immigrants qui viennent des quatre coins du monde. En planifiant les niveaux d’immigration, on le fait en fonction des demandes et en fonction des grands continents. Pour les pays du Maghreb, il existait un retard assez considérable avant 2003 à ce moment là il y avait des gens qui attendaient une réponse depuis 5 ans. Nous avons pris la décision de rattraper ce retard en accélérant les délais de traitement. Les délais aujourd’hui sont normaux. Cette accélération du processus pour les Maghrébins a eu des conséquences sur le traitement des autres demandes en provenance des autres pays. Nous avons été obligés à la fin de l’opération de rééquilibrer le traitement de nos dossiers par rapport aux non maghrébins. Le Québec a fait le choix de porter une attention particulière aux immigrants francophones et francophiles et je ne pense pas que les Maghrébins ont une difficulté culturelle à s’intégrer. Je pense que lorsque l’on fait le choix de quitter son pays pour aller vivre ailleurs on a la volonté et le devoir de réussir.

Salamontreal : Nous constatons que les communautés culturelles sont peu représentées dans les médias québécois, que pensez-vous de cet état des choses?

Mme. Lise Thériault : Dans les médias francophones, on voit beaucoup moins la présence des communautés culturelles, il est indéniable qu’elles sont beaucoup plus présentes dans les médias anglophones. C’est une question qui a été soulevée lors des travaux de la commission sur le Racisme et la discrimination. Il est vrai que les médias ont une mission d’information, mais en même temps quand on veut se donner une image de société inclusive et ouverte on est en droit de se poser des questions sur la représentativité des communautés culturelles au sein des médias. Dans la politique que nous dévoilerons dans les mois à venir, nous avons réservé quelque chose en relation avec cette question. Lors des mêmes travaux, j’ai remarqué l’appel lancé par la FJPQ (Fédération des Journalistes Professionnels du Québec) qui ont exprimé leur souhait de travail avec notre ministère pour mieux connaître les réalités des communautés culturelles. Vous savez même au niveau de l’université, nous avons remarqué que tous les inscrits en communication et en journalisme sont presque exclusivement des québécois francophones (NDRL comprendre québécois blancs). Je crois que nous avons besoin d’une stratégie pour attirer plus de jeunes issus des communautés culturelles dans le domaine des communications et aussi aider les journalistes à mieux connaître les communautés culturelles.

Salamontreal : Dans le cadre des travaux de la commission parlementaire, sur le racisme et la discrimination. Le CCA, au nom de la table du Maghreb, a présenté un mémoire sur l’état de la communauté arabe et a proposé des voies et moyens pour améliorer la situation des membres de Ladite communauté. Pouvez-vous nous dire, ce que vous pensez de ce mémoire et des recommandations suggérées?

Mme. Lise Thériault : C’est un mémoire qui a été apprécié parce que les statistiques démontrent clairement qu’il y a de la discrimination contre la communauté arabe. En élaborant notre politique nous sommes dits que si nous ne prenons pas garde à ces statistiques peu reluisantes, nous savons parfaitement bien ce que provoque le phénomène d’exclusion. Ce mémoire nous permet de connaître la réalité de la communauté arabe. Tous les parlementaires ont bien entendu les recommandations faites par le CCA. Il est évident qu’il va falloir travailler pour et avec la communauté arabe pour résorber ces problèmes. Toutes les recommandations seront analysées avec le plus grand soin. Avec les 124 mémoires que nous avons reçus, il faut trouver maintenant les moyens financiers pour mettre le tout en application. Je crois qu’il est utopique de mettre sur pied des politiques sans les soutenir avec des budgets. La communauté arabe et algérienne en particulier avait des préoccupations qu’elle a amenées sur la place publique et elle a participé à la solution elle-même. C’est tout à l’honneur de la communauté algérienne.

Par Salamontreal.com

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